lundi, janvier 04, 2010

LES HUMEURS DE JADE:
Ouganda mon amour

Les Humeurs de Jade: Tous ces petits riens qui m'irritent, toutes ces grandes choses qui m'emmerdent. Tout, enfin, ce qui empêche le lézard vert de lézarder inoffensivement dans son antre en fredonnant tranquillement l'air de sa dernière ritournelle intérieure (en ce moment, c'est HALLELUJAH de Rufus Wrainwright).

Molière n'a pas créé le concept du bouc émissaire, mais il l'a très bien décrit: "Qui veut noyer son chien, l'accuse de la rage". On pourrait aisément le paraphraser avec l'actualité courante: "Qui veut éliminer un mouvement sécessionniste, l'accuse de dissension politique", "Qui veut éliminer les immigrés, les accuse de créer le chômage", etc. La dernière déclinaison en date de ce concept dont je voudrais vous entretenir est "Qui veut éliminer l'homosexualité, l'accuse de corrompre la jeunesse." Et c'est en passe de se réaliser en Ouganda avec l'aval des autorités politiques et religieuses locales.
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L'Ouganda est un petit pays d'Afrique de l'Est (environ un tiers de la superficie de la France pour la moitié de sa population) coincé entre le Congo-Kinshasa, le Kenya, le Rwanda, le Soudan et la Tanzanie.
Dans cette ancienne colonie britannique, la criminalisation de l'homosexualité a été apportée par les colons. A l'indépendance, cette loi n'a pas été retirée: l'article 140 du Codé pénal ougandais punit aujourd'hui encore les « relations charnelles contraires à l'ordre de la nature » d'une peine pouvant atteindre quatorze ans d'emprisonnement. Cette loi englobe donc toutes relations autres que celles pouvant entraîner la procréation: fellation, cunnilingus et évidemment la sodomie, quelque que puisse être le sexe des partenaires. Elle ne vise donc pas les homosexuels en particulier.

Mais ceci pourrait changer avec une loi actuellement en débat au parlement ougandais. Un crime d'homosexualité sera alors créé avec une peine plus dure à la clé. Proposé au nom de la protection des enfants (tant il est bien connu qu'homosexuel et pédophile sont synonymes), cette loi institue pleinement le crime d'homosexualité, passible dans la mouture actuelle d'emprisonnement à vie. Bien entendu, ceci est un geste de modération des législateurs ougandais qui prévoyaient initialement la peine de mort.
Cette modification a été librement décidée récemment parce que "nous pensons aujourd'hui que la prison à perpétuité serait une meilleure solution parce qu'elle offre aux contrevenants la possibilité de se racheter". Et bien sûr cela n'a rien à voir avec le tollé que ce projet de loi suscite en Occident.

Pour faire bonne mesure, le projet de loi prohibe toute promotion de l'homosexualité (interdiction de publier des informations, de fournir des fonds, des lieux ou toute autre ressource pour mener des activités sur ce sujet) avec une peine allant jusqu'à sept ans d'emprisonnement.

De plus, le projet de loi ajoute un délit de complicité du crime d'homosexualité qui peut condamner à trois ans d'emprisonnement toute personne ayant connaissance d'un homosexuel et ne l'ayant pas dénoncé dans un délai de 24 heures.

Et enfin, ce crime d'homosexualité peut faire l'objet d'une demande d'extradition de la part des autorités ougandaises même si l'acte incriminé s'est produit à l'étranger tant que la personne extradée est de nationalité ougandaise ou résident permanent en Ouganda.

Ce joli petit texte, soutenu par tous les représentants des partis en place avec l'aval béni de tous les responsables religieux du pays, va donc désigner au peuple ougandais un ennemi intérieur qu'il aura à coeur de dénigrer, maltraiter, emprisonner et torturer. Et pendant ce temps, il ne s'occupera pas d'autres affaires plus importantes (Quelqu'un a dit corruption, fraude électorale, favoritisme?)
Et puis ce sera tellement facile après pour museler les opposants politiques et les journalistes. Pensez donc: un crime qui ne laisse pas de trace, qu'on peut donc attribuer à tout le monde! Il n'y a plus qu'à accuser une personne d'un groupe politique ennemi du pouvoir d'homosexualité! Puis d'emprisonner tous le groupe pour non-dénonciation du crime.

Au delà de ces atteintes graves aux droits fondamentaux, que va devenir le pays le plus en pointe dans la prévention du sida en Afrique? L'Ouganda est parvenu par une politique volontariste d'information et d'abstinence à devenir le meilleur élève de l'Afrique en terme de prévention de transmission du sida, à tel point que l'ONU envisageait d'y implanter un centre de recherches (à l'imparfait puisque la décision est maintenant fonction de l'adoption ou du rejet de ce projet de loi inique). Comment faire des campagnes de prévention ciblées si on ne peut plus s'adresser aux homosexuels?