vendredi, janvier 01, 2010

A VOIR... OU PAS:
Tu n'aimeras point (Cinéma)

A voir... ou pas: Les films, spectacles, émissions, que j'ai aimés ou détestés. Ces divertissements qui valent le détour soit pour aller les voir, soit pour les éviter. Tout ce qui justifie que le lézard vert se fende d'un avis que personne n'ira lire.


Informations générales:
Tu n'aimeras point (Einaym Pkuhot)

Drame français, israélien, allemand d'1h30 produit en 2009
de Haim Tabakman
avec Zohar Strauss, Ran Danker, Ravit Rozen

Date de sortie en France : 2 septembre 2009
Distributeur : Haut et Court

Résumé:
Les affres d'Aaron, un Juif ultra-orthodoxe, déchiré entre son milieu et son éducation, et son amour pour Ezri, un jeune homme de 22 ans.

Note:
Very Happy Very Happy Very Happy Very Happy Arg

Conseil:
Un très bon film pour rappeler, malgré l'opinion hollywoodienne, que le cinéma peut divertir tout en faisant aussi réfléchir. Peut-être un peu long au début mais qui se rattrape ensuite.
N'emmenez pas des enfants: il n'y a aucune scène particulièrement choquante mais ils s'y ennuyeront complètement.

Critique (Attention spoiler. Ce paragraphe contient des vrais morceaux du film inside):
Avouons-le, le film est un peu lent à se mettre en place. Pour qui a l'habitude des productions hollywoodiennes où trois scènes mettent en place le contexte, l'approche peut être rébarbative.

Mais une fois intégré ce parti pris de réalisation, on ne peut qu'être touché par les silences significatifs du film, de cette montée de la tension entre les deux protagonistes principaux du film. Oui, ils finiront par y succomber, mais au terme d'une retenue ignorée généralement par le gay français.

Evidemment, à partir de ce moment, se doit d'être traité le problème du regard de la société sur cette relation et bien sûr la gestion de cette infidélité par l'épouse. Exeunt cependant les affres d'Aaron: son attirance satisfaite, il ne semble plus avoir de débats intérieurs par rapport à ce comportement "impur". Plus de doute, pas de mortification d'avoir succombé. C'est un peu dommage, il y avait là, à mon sens, matière à développer.

Très bonne description du cheminement de Rivka, l'épouse bafouée, du contentement domestique à la cruelle vérité. Le personnage est un peu falot, mais la douleur digne et muette de cette femme qui voit son mari s'éloigner d'elle et ne sait comment y réagir, est très bien présentée.

Parallèlement à l'intrigue principale, on a une histoire secondaire qui décrit rapidement l'amour désespéré de Mortechai, un autre jeune de cette communauté juive ultra-orthodoxe, pour Sarah, une de ses voisines malheureusement promise par son père à quelqu'un d'autre. Sarah finira mariée contre son gré à son promis après que Mortechai ait reçu une visite réprobatrice de trois "Justes" (dont un Aaron réticent) qui lui rappelleront sa place dans cette société.

Cependant, l'intérêt principal du film réside finalement dans la réaction de la société à l'amour entre Aaron et Ezri. La rumeur d'abord ("Des gens du quartier sont impurs mais se déguisent en justes."), et la calomnie ("On vous vend dans cette boutique de la viande non-kasher malgré l'autocollant proclament le contraire."), puis la violence anonyme (des pavés jetés dans la vitrine d'Aaron) et enfin l'intimidation (des jeunes s'érigeant en gardiens de la vertu venant menacer Aaron pour "protéger leurs enfants"). On y voit complètement développé le cycle de génération de l'intolérance.

J'ai été particulièrement choqué par les deux scènes d'intimidation: imaginez un boutiquier apostrophé par trois quatre jeunes hommes habillés de noir. Leur chef parle pendant que les autres restent là, le visage impassibles et il insinue et menace: "Arrête de faire ça ou...". Le seul mot qui m'est alors venu à l'esprit était "Gestapo". Mais nous sommes en Israël n'est-ce pas? Et ce sont des juifs non? Et pourtant le mot est là, ne peut qu'être là: Gestapo!

Et pourtant Aaron résiste. Comme il l'explique au rabbin en un plaidoyer saisissant de vérité: "Avec Ezri je suis vivant! Et avant, j'étais mort!"

Evidemment, il n'y a que trois solutions possibles à ce noeud gordien: la mort, la fuite ou la reddition. Et c'est la dernière qui est logiquement prise par le scénariste: Ezri s'en ira, Aaron retournera avec sa femme et ses quatre enfants, retrouvant une vie sociale et une mort vivante.

Ce film pose avec justesse une question sur le poids de l'interdit et du regard de la société sur les comportements humains. En dehors du fait anecdotique que la société décrite soit juive ultra-orthodoxe, il pousse à nous faire réfléchir sur la réaction d'une société face à ce qui sort de la norme et comment on peut être à la fois victime (Aaron est rejeté parce qu'homosexuel) et bourreau (il participera à la remontrance de Mortechai afin de le remettre sur le droit chemin).

Aucun commentaire: